Fermeture de la ligne Clermont-Fd - Lyon ? Lettre du syndicat CGT de l'aéroport de Clermont-Fd aux élus

À M. Laurent WAUQUIEZ, Président du Conseil Régional d'Auvergne Rhône Alpes
M. Brice HORTEFEUX, en charge  des Transports, aménagement du territoire et infrastructures
M. Jean-Yves GOUTTEBEL, Président du Conseil Général du Puy-de-Dôme
M. Olivier BIANCHI, Président de Clermont Auvergne 

Aulnat, le 10 janvier 2017              

Objet : Opposition à la destruction programmée d’un service public.

                                                                                                                                      
              Messieurs les Présidents du SMACFA,

Si certains s’étonnent de la récente suppression de la ligne Clermont/Lyon, ce processus ne surprend en rien le 1er syndicat de salariés de l’aéroport de Clermont-ferrand Auvergne. En effet, nous souhaitons porter à votre connaissance quelques éléments permettant de mieux mettre en évidence une situation qui n’a rien d’une fatalité.

L'attractivité des territoires est un des principaux moteurs du développement économique des nouvelles régions : attirer plus d'entreprises, d'investisseurs, développer le tourisme et désenclaver des secteurs géographiques. Les régions qui disposent de bonnes connections aériennes capteront de la croissance supplémentaire, ce qui suppose des aéroports régionaux performants. Les projets autoroutiers et de lignes à grande vitesse sont programmés et figés pour la prochaine décennie alors que les liaisons aériennes offrent, par leur facilité de mise en œuvre, des marges de progrès considérables. IATA (Association Internationale du Transport Aérien) prévoit un doublement du trafic aérien d’ici 2035.

Privatisations : l’État responsable d’un monumental gâchis.

La France dispose d'un réseau d'infrastructures aéroportuaires dense : les grands aéroports régionaux (12 y compris l'Outre-mer), qui relèvent de la compétence de l'État (aéroports d'intérêt national), occupent naturellement une place centrale dans ce dispositif, avec plus de 60 millions de passagers annuels à leur actif mais avec des capacités de développement limitées. Mais la France compte également un nombre important d'aéroports décentralisés. Comme celui de Clermont-Ferrand Auvergne, 150 ont été transférés aux collectivités territoriales dans le cadre des lois de décentralisation de 2004, lesquelles se sont organisées pour les exploiter en direct ou via des DSP (Délégation de Service Public).

Il a manqué une étape dans ce processus : une coordination, une politique aéroportuaire qui accompagne les lois de décentralisation et apporte de la cohérence à l'ensemble. Conséquence : les exploitants (la plupart sont des grands groupes privés comme Vinci, ou autres fonds d’investissements) développent depuis des stratégies autonomes qui entrent parfois en concurrence, avec le soutien financier des collectivités territoriales. Il en résulte aujourd'hui des interrogations, critiques, sur la pertinence des aides publiques versées et sur le nombre d'aéroports en France. Certains préconisent d'en fermer en pointant les aéroports non rentables, à l'activité commerciale insuffisante. La suppression de la ligne Clermont-Lyon entre 2 plateformes géographiquement proches et gérées par le même exploitant ne laisse plus de place aux doutes.

Les aéroports sont des actifs publics qu'il serait bien imprudent de fermer. Pourtant, Se limiter aux seuls critères du compte de résultat et du nombre passagers commerciaux pour juger de l'intérêt d'un aéroport est une parfaite méconnaissance de la réalité du secteur, de la diversité des activités et services présents sur une plateforme.

En 2016, M. MACRON, alors ministre de l’Économie, est aux commandes d’un appel d’offre concernant la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon. Force est de constater que le seul critère d’attribution de ces concessions est purement financier : à celui qui proposera la plus grosse enveloppe sur la table (rien d’étonnant émanant d’un ex-banquier), sans même avoir consulté les élus locaux ni les représentants des salariés de ces structures, qui sont pourtant les premiers concernés. Une bonne nouvelle pour les finances de l'Etat français : les contrats sont aujourd'hui signés  avec une recette d' 1,7 Milliard d’€uros !

Conséquences : les nouveaux propriétaires vont inéluctablement devoir à un moment donné rentabiliser leurs énormes investissements. Toutes proportions gardées, nous constatons par exemple que même avec des investissements moindres, l’aéroport de Clermont-Ferrand Auvergne a vu le tarif des parkings voyageurs augmenter, les montants des allocations d’occupation temporaire des sols pour les entreprises implantées sur la plateforme s’envoler, et enfin (et surtout) les redevances aéronautiques s’enflammer, laissant là les compagnies aériennes et autres utilisateurs des infrastructures (Aéro-clubs, aviations privées…) le soin de régler la note démesurée.

Par ricochet un tel prix de vente posera problème aux régions et départements concernés : leurs aéroports vont perdre de leur pouvoir d'attraction et les opérateurs aériens ne se bousculeront pas pour les ajouter à leurs destinations. Ce que nous pouvons constater sur la plateforme Auvergnate avec, entre autre, les suppressions des lignes sur Nice et maintenant Lyon, mais aussi la baisse significative du trafic affaire.

Des solutions pour redynamiser le trafic de l’aéroport de CFE.

Le secrétaire d’Etat aux transports explique récemment que l’Etat s’est engagé par écrit à accompagner les efforts de la compagnie aérienne Air France afin de participer à son redressement. Vouloir reconquérir les lignes  déficitaires est selon lui « une idée juste ».  Alain Vidalies souligne aussi avoir écrit début novembre à la direction de la compagnie de l’alliance SkyTeam pour dire que « s’il y a des évolutions à Air France sur la compétitivité », l’Etat est « prêt, lui aussi, à faire des efforts ». Il évoque un « contrat social » via lequel la puissance publique mais aussi les syndicats et  les actionnaires « fassent chacun des efforts ».

Il rappelle que l’Etat a déjà commencé avec les 130 millions d’aides apportées en deux ans : via le CICE pour 70 millions, et via l’exonération de la taxe sur les correspondances à hauteur de 30 millions. Il y ajoute une partie des 26 millions d’euros « correspondant à la dernière partie du produit de la taxe de l’aviation civile », reversé au soutien du secteur aérien et non lus au budget général de l’Etat et qui concerne toutes les compagnies. Et Air France devrait aussi bénéficier de l’écrêtement de la taxe de Solidarité (taxe Chirac), dont le surplus de 10 millions d’euros aujourd’hui devrait en fait s’élever à « 310 millions d’euros au cours des 7 prochaines années, en se basant sur les prévisions de croissance du trafic sur cette période ».

Parallèlement aux 1.7 Mds d’€ empochés grâce à la cession des deux derniers aéroports, ces aides ne sont que de la poudre aux yeux. Il serait de bon ton qu’une partie de ces montants aille réellement dans un effort de soutien aux maintiens de certaines lignes aériennes nécessaires au développement économique des Régions, plutôt que de finir en bout de course dans la poche des actionnaires.

En conclusion, le syndicat CGT Aéroport CFE se tient prêt à mobiliser tous les acteurs professionnels de la plateforme aérienne auvergnate, touchés de près ou de loin par cette Destruction du Service Public mettant en péril tout un panel d’emplois. Cette baisse d’activité n’est pas une fatalité mais le fruit d’une incompétence de gestion dont le seul but est la rentabilité financière d’un service public abandonné aux griffes du Libéralisme.

Dans l’attente de pouvoir vous rencontrer et s’entretenir sur ces problématiques, veuillez recevoir, Messieurs les Présidents, nos syndicales salutations.

Syndicat CGT Aéroport CFE