Prélèvement à la source : la manipulation en marche !

Communiqué Fédération CGT des Finances, 9 avril 2018 - Télécharger le 4 pages 

Malgré les critiques ou réserves techniques du conseil des prélèvements obligatoires, des différents groupes parlementaires ou d’experts, des syndicats patronaux, de l’IGF, le « risque de défaillance élevé » justifiant son report en 2019 et les demandes répétées d’abandon par la CGT finances publiques, le gouvernement a décidé de le mettre en œuvre coûte que coûte !

Le report d’une année n’a en rien modifié la logique du système qui reste compliqué, injuste et budgétairement risqué.

Pour les contribuables

Dans l’inconscient collectif, le prélèvement à la source supprimera l’obligation de dépôt de la déclaration. Or c’est totalement faux, comme d’ailleurs dans les autres pays qui ont adopté ce système. Les contribuables devront remplir leur déclaration l’année suivante. Les temps forts de la relation à l’usager particulier avec l’administration fiscale (campagne déclarative et champagne des avis) seront les mêmes avec le prélèvement à la source.

En définitive seul un célibataire sans enfant et sans crédit d’impôt, pourra dire que le prélèvement à la source est une simplification ! C’est l’unique cas dans lequel il pourra être considéré comme un prélèvement libératoire.

Taux calculés sur les revenus de l’année N-2 et avant imputation des réductions ou crédits d’impôts

Le taux du prélèvement à la source, pour beaucoup de contribuables ne sera ni simple, ni contemporain, ni juste !

Le taux sera toujours calculé à partir des revenus de l’année N-2. Ce principe, déjà critiquable du point de vue contemporanéité, comporte d’innombrables variantes :

  • Individualisation du taux de prélèvement à la source entre les deux conjoints d’un foyer fiscal ;
  • Ajustement des prélèvements en cas de changement de situation (divorce, décès, naissance, chômage du conjoint. Les changements seront très encadrés à la baisse (mais libre à la hausse !). Les mises à jour se feront via le site impôts. gouv.fr et prendront effet en principe trois mois plus tard, le temps d’informer les employeurs. Ils ne concerneront que les futurs prélèvements ce qui signifie que les changements ne seront pas rétroactifs.
  • Application de la grille de taux par défaut : échec ou absence de transmission du taux, primo déclarants, enfants anciennement rattachés au foyer fiscal des parents, salariés avec contrats courts ou changeant d’employeurs, contribuable ne souhaitant pas communiquer son taux à son employeur.

Conditions pour l’application d’un taux nul

Par principe, les taux appliqués seront calculés avant imputation des réductions d’impôts (RI) et crédits d’impôt (CI), ce qui conduira les contribuables à faire des avances au Trésor jusqu’en septembre 2020.

Par exception, il faudra remplir les deux conditions suivantes pour se voir appliquer un taux nul :

  • Ne pas avoir payé d’impôt deux années de suite dont l’une au moins en raison d’une RI ou d’un CI.
  • Et avoir un revenu fiscal de référence inférieur à 25000€/part.

Acompte contemporain sur les revenus sans collecteur

Enfin, il ne faut pas oublier les acomptes contemporains qui seront prélevés simultanément sur les comptes bancaires par la DGFIP, mensuellement ou trimestriellement, pour les revenus sans collecteurs (revenus fonciers, revenus des indépendants, pensions alimentaires…) ou pour le complément dû en cas d’option de ne pas communiquer le taux réel à l’employeur !

Cette complication pour les contribuables, dont beaucoup seront perdus devant cette méthode de calcul des taux, les options entre lesquelles ils auront à choisir et la surprise du montant des prélèvements, pourra les pousser à se tourner vers leur employeur…. qui les renverra vers la DGFIP !

Pour les Entreprises

Certes, il y a un avantage indéniable en termes de trésorerie pour les entreprises puisqu’en devenant collecteur, elles ne reversent les sommes au Trésor que le mois ou le trimestre suivant. Cet aspect a d’ailleurs justifié la fin de non recevoir envoyée aux organisations patronales qui réclamaient une contrepartie, à défaut d’abandon de la réforme.

Pour autant, si les entreprises du CAC 40 et les experts comptables sont silencieux sur le #PALS, les TPE PME, représentants des employeurs particuliers et responsables des ressources humaines continuent à critiquer la #PALS, face à la complexité du système.

  • La déclaration sociale nominative (DSN) qui sera le support unique n’est pas encore déployée totalement à l’heure actuelle. Les petites entreprises devront faire appel aux professionnels du chiffre et aux éditeurs de logiciels de paie, qui ne manqueront pas de facturer des frais. Par ailleurs pour ceux qui ne rentrent pas dans le dispositif de la DSN (organismes sociaux, pôle emploi, administrations, collectivités territoriales,…) une déclaration dite « PASRAU » (PAS revenus autres) est mise en œuvre !
  • La gestion des taux de prélèvement, leurs variations dans le temps en fonction des évènements ou changements de situations et les questions des salariés, lorsque les prélèvements vont commencer en 2019, inquiètent les entreprises qui ne veulent pas devenir leurs interlocuteurs fiscaux.

Pour la DGFiP

Compte tenu de la multiplicité des différents canaux de collecte (DSN ou PASRAU), des régularisations et des acomptes contemporains pour un même foyer fiscal, la DGFIP devra agréger toutes les sources. Parallèlement elle devra gérer l’afflux d’accueil, alors qu’on lui a supprimé plus de 35 000 emplois.

Les accueils physiques et téléphoniques risquent d’être submergés à chaque étape du cycle déclaratif et de paiement :

  • Dès le 11 avril, lorsque les premières options de taux et de prélèvements contemporains vont être offertes aux télédéclarants,
  • À l’été 2018 pour les déclarants papier, à l’automne lors de la transmission des taux aux employeurs,
  • Fin janvier 2019 au moment des premières payes amputées de l’impôt,
  • Et également lors de tous des changements de situations en 2020.

De plus, les contribuables seront censés pouvoir surveiller en temps réel les prélèvements et versements opérés pour leur compte dans leur espace personnel sur le site impôts.gouv.fr.

On imagine assez bien leur réaction s’ils constatent des manquements…notamment parce que certains employeurs auront « omis » de reverser les sommes à la DGFIP et que parallèlement, ils feront eux mêmes une avance au Trésor, en attendant le remboursement de leurs crédits d’impôts !

La gestion fiscale de l’année de transition, dite « année blanche » en lien avec la détermination des revenus à taxer ou non, promet de donner lieu à de nombreux contentieux. Le législateur est censé avoir défini le caractère « non exceptionnel » de chaque catégorie de revenu afin de neutraliser l’impôt au moyen d’un « crédit de modernisation du recouvrement de l’impôt »

À contrario, seuls les revenus qualifiés d’exceptionnels seront imposables en 2018 (ex primes de départ en retraite…)

L’imagination des conseillers fiscaux va se déchaîner pour neutraliser un maximum de revenus afin de les rendre « non exceptionnels » !

Que dire des dépenses de travaux en matière de revenus fonciers qui seront déductibles à 150%... et du versement d’un acompte de 30% en février pour les crédits d’impôts relatifs aux aides à la personne… ?

La manipulation « En Marche »

Selon les termes de Bercy, le prélèvement à la source devrait rendre « l’impôt plus réactif » grâce à son caractère contemporain et ainsi éviter l’épargne de précaution. Tel que c’est parti il va même devenir carrément « explosif », tellement il pourrait fédérer les mécontents !

Face à cette hypothèse, l’objectif de la campagne de communication au 1er semestre 2018 est de rassurer les usagers sur le #PALS, en diffusant des messages simples, voire simplistes « il s’agit d’une simple réforme du paiement de l’impôt, le mode de calcul demeure inchangé…il ne change rien pour les contribuables non imposables, [sauf si cette non imposition a pour unique origine l’imputation de réductions ou crédits d’impôts (sic !)], le #PALS préserve le secret fiscal et s’adapte aux situations particulières… »

Pourtant, les chiffres extraits de l’évaluation préalable transmise au Parlement à l’automne 2016 ont de quoi effrayer.

Le #PALS concerne 37 millions de foyers fiscaux (dont 33 millions titulaires de Traitements et salaires ou revenus de remplacement), 1,7 millions d’employeurs privés (pour 18 millions d’usagers), 3,6 millions d’employeurs particuliers (dont de 50% âgés de plus 70 ans), différents employeurs publics (6,1 millions d’usagers…), environ 100 organismes versant des revenus de remplacement, 136 caisses de retraite (16,7 millions d’usagers), associations…

Le gouvernement a imaginé qu’une des solutions serait un marché public pour sous traiter l’accueil téléphonique via une plateforme privée avec un numéro payant… La POSTE proposera également ses services, moyennant 50 € les 45 minutes pour aider nos concitoyens en difficulté avec le numérique, afin de faire leur déclaration ! Il faudra payer pour déclarer ses impôts !

Enfin, en confiant la collecte de l’impôt sur le revenu à un tiers, l’Etat ne va encaisser que 11/12ème de l’impôt sur le revenu en 2018 et les défaillances diverses des collecteurs (à l’instar de la TVA par exemple), vont alimenter le risque budgétaire.

Pourquoi prendre le risque de mécontenter autant d’usagers, alors que la DGFIP a un savoir faire en matière de recouvrement de l’impôt sur le revenu, qui garantit l’égalité de traitement des citoyens et les recettes budgétaires ?

Vers une fusion Impôt sur le Revenu/CSG

Les citoyens ne pourront pas s’approprier le #PALS, malgré les efforts de communication du gouvernement, notamment à cause de sa complexité et des problèmes qu’il va générer. La propagande des pouvoirs publics présentera alors les fondements de l’impôt sur le revenu comme des facteurs aggravant cette complexité: notion de foyer fiscal, progressivité, réductions et crédits d’impôts…

Est-ce une coïncidence si la menace sur l’avenir du quotient familial est apparue ces derniers temps à l’Assemblée Nationale ? La possibilité d’individualiser les taux au sein du foyer offerte par le #PALS et la volonté de regrouper toutes les aides sociales au sein des CAF participent de ce mouvement de pensée.

De plus, la mise en place d’une flat taxe de 30% sur les revenus mobiliers à compter de 2018, ne peut que nous interroger également, au regard de son absence de progressivité.

La réponse qui consistera à proposer la fusion IR/CSG deviendra naturelle en vantant sa simplicité. Simplicité plébiscitée également par la MEDEF, puisque que c’est une seule et même ligne sur la fiche de paye pour tous les salariés et le taux unique ne varie pas en cours d’année.

Pour la CGT FINANCES PUBLIQUES, même si l’impôt sur le revenu peut être amélioré, il reste le plus juste du système fiscal français, du fait de la progressivité.

La fusion de la Contribution sociale généralisée et de l’impôt sur le revenu générerait une fiscalisation des moyens de financement de la Sécurité sociale et son étatisation, ce que la CGT combat.