Réactions des syndicats des États-Unis aux premières annonces de Donald Trump

Espace international, Montreuil, le 24 janvier 2017

Les deux confédérations syndicales des États-Unis ne se sont pas exprimées à l’occasion de la prise de fonctions de Donald Trump comme 45ème  président des États-Unis.

Ses premières annonces et nominations ont suscité en revanche un certain nombre de réactions.

Change-to-Win, l’alliance des syndicats plus revendicatifs, voit dans les nominations de Trump aux postes de ministre du travail et du ministre de la sécurité sociale les signaux d’une nouvelle administration qui compte être « le gouvernement des entreprises, par les entreprises et pour les entreprises ». Ceci annoncerait un exercice des fonctions loin de l’intérêt général.

Le contexte syndical américain est particulier en ce sens que les membres du syndicat sont (tous) les salariés d’une entreprise dans laquelle un référendum s’est exprimé en faveur de la syndicalisation. Les adhésions ne sont pas individuelles, mais correspondent à la politique d’embauche du patron. Du coup, les syndicats ont un besoin très important de formation et d’information de leurs propres membres, car ils représentent tous les courants socio-culturels et politiques de la société, à la différence très claire de la situation en France.

Les préoccupations exprimées à maintes reprises touchent à l’assurance maladie (« Obamacare ») à laquelle les mouvements syndicaux sont extrêmement attachés, et dont la remise en cause était l’un des principaux thèmes de campagne de Trump (même s’il s’était exprimé dans le passé favorable à une nationalisation totale et prise en charge à 100 % par une assurance maladie obligatoire et générale). Le premier décret qu’il a signé veut marquer un franc retour en arrière.

Un autre thème important de campagne et d’initiatives est l’immigration et la présence de travailleurs (sans papiers) de l’Amérique Latine sur le sol des États-Unis. Bon nombre de manifestations est dédié à la défense des intérêts des travailleurs immigrés, demandant leur protection et leur droit de rester sur le sol des États-Unis : leur slogan est « nous sommes ici pour rester ! ». Les syndicats les soutiennent en disant que les États-Unis sont une nation d’immigrants. Ils revendiquent la fin des discriminations salariales en particulier. Comme la communauté Latino est le groupe social en plus forte croissance, elle est aussi une cible privilégiée pour les campagnes de syndicalisation.

La cause de l’égalité femmes-hommes, notamment en réaction aux débats de la campagne électorale, prend une place prépondérante dans les initiatives autour du week-end inaugural. Une grande marche des femmes a été organisée samedi 21 janvier à Washington. Elle a emprunté le même chemin que Donald Trump après avoir prêté son sermon. Près d’un demi-million d’hommes et de femmes ont manifesté à Washington seul. Les organisateurs se vantent de rassembler un public plus important que la cérémonie de passation du pouvoir entre Obama et Trump. La frustration sur l’échec de Hillary Clinton qui aurait pu devenir la première présidente s’y exprime aussi.

La défense des droits des Afro-Américains (et des ressortissants d’Amérique Latine) dans un pays où l’arrivée du premier président de couleur, il y a huit ans, avait suscité un grand espoir, donne lieu à un certain nombre d’initiatives également. La crainte est que les droits fondamentaux et le progrès pour l’égalité des droits échouent face aux intérêts des grandes entreprises.

En même temps, les syndicats, et en particulier l’AFL-CIO, entament une réflexion sur les stratégies de communication et de campagne pendant la campagne électorale. Les syndicats s’étaient fortement engagés dans le débat pour soutenir Hillary Clinton – bien que la position  de leurs affiliés était divisée (cf. supra). Ils mènent une analyse qui porte sur le succès des slogans populistes et démagogues qui ont contribué à l’issue de l’élection et face auxquelles les stratégies syndicales n’avaient manifestement pas trouvé écho.

En parallèle, l’AFL-CIO prépare une campagne sur la liberté de la presse et une stratégie pour contrer la presse pro-business, voire explicitement d’extrême droite, qui est souvent la propriété de grands groupes industriels. L’un de leurs représentants, Breitbart News, vient d’ouvrir un bureau à Paris. Quand cette société s’est installée à Londres, elle ne s’est pas contentée de fonctionner en tant qu’agence de presse. Elle fait surtout office de conseil en communication pour Nigel Farage et le parti UKIP, dont l’idéologie est proche du Front National français. D’ores et déjà, le site Internet de Breitbart offre une large couverture aux propos de Marine le Pen.