Séance du 15 décembre 2017 : Avis de la CGT au projet d’ordonnance 6

Une 6ème ordonnance : balai... pour les droits et garanties des salariés

Commission Nationale de la Négociation Collective (CNNC) Sous-commission conventions et accords

Alors que les 5 premières ordonnances dites « Macron » n’ont pas fini le circuit parlementaire de ratification, qu’en outre elles ont été modifiées dans le cadre de cette procédure, un projet de 6ème ordonnance réformant le code du travail a été adressé aux organisations syndicales le 30 novembre. Ceci, en vue de son examen par une sous-commission de la commission nationale de la négociation collective.

Cette ordonnance dite « balai » – jamais discutée avec les organisations syndicales. Drôle de conception de la concertation que d’en apprendre les grandes lignes par la presse, suite à l’intervention du cabinet de la ministre du travail à une réunion de l’association « Dialogue ». Il y a beau avoir contenu le mot dialogue, mais c’est loin d’être du dialogue social.

Cette ordonnance a officiellement comme objectif de corriger les coquilles des 5 autres. Ce qui, au vu de l’étendue de la déstructuration du droit du travail dans un délai très contraint, aurait pu se comprendre sans que ne soient remis en cause les qualifications et compétences des agents du Ministère du Travail.

Mais ce n’est pas le cas, des modifications substantielles ont été introduites, aggravant les atteintes aux droits et garanties collectives des salariés.

La CGT avait dénoncé, par un communiqué, à la fois le fond et la procédure de discussion. C’est la raison pour laquelle notre syndicat, ainsi que l’ensemble des organisations syndicales siégeant à la CNNC, s’est opposé à cet examen par la sous-commission conventions et accords, et a demandé une réunion de la CNNC plénière.

Suite à cette opposition unitaire, nous sommes consultés aujourd’hui en CNNC plénière sur le contenu de cette 6ème ordonnance. C’est une CNNC plénière mais en l’absence de la Ministre du travail qui, légalement doit présider cette instance. Elle n’a visiblement, même pas eu la volonté de se faire remplacer par un membre du cabinet. Ceci est regrettable au regard de l’importance du contenu de cette ordonnance dite « balai ».

Cette ordonnance dont nous avons quelques difficultés à comprendre exactement l’articulation avec le processus parlementaire de ratification en cours des 5 premières.

Ce projet d’ordonnance modifie de manière importante, notamment, le droit de la négociation collective. Il est mis fin au monopole syndical de la négociation collective qui constitue un acquis substantiel des salariés gagné par des luttes successives, dont le mouvement social de mai 1968.

Ce monopole syndical n’est en rien un privilège, c’est une garantie pour les droits des salariés.

Cette ordonnance étend les pouvoirs du Conseil d’entreprise créé, par celles du 22 septembre 2017. Ce dernier pourra, une fois mis en place par accord d’entreprise ou accord de branche étendu pour les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, bénéficier de l’ensemble des attributions du Comité social et économique mais, en outre, du pouvoir de négocier tout type d’accord collectif, y compris en présence d’un délégué syndical dans l’entreprise.

La négociation collective qui sera centralisée, pour les thématiques essentielles, au sein de l’entreprise en raison du renversement de la hiérarchie des normes, échappera, aux organisations syndicales dont l’objet principal est la défense des intérêts des salariés et qui sont, en outre, garantes d’une certaine indépendance vis-à-vis de l’employeur.

Elle passera aux mains de représentants du personnel dont la proximité de fait avec l’employeur ne sera plus « contrebalancée » avec celle de l’organisation syndicale.

Toutes les thématiques de négociation, possibles par accord d’entreprise pourront désormais s’effectuer en contournant les attributions des organisations syndicales.

De plus, cette option conditionnée aujourd’hui à un accord d’entreprise, deviendra peut être prochainement, obligatoire. Comme cela a été le cas pour la fusion des instances, optionnelle dans la version dite « Rebsamen », et obligatoire dans celle dite « Macron »

Cette négociation collective sera même dans les mains de l’employeur pour les entreprises de moins de 11 salariés, ainsi que dans les entreprises de onze à vingt salariés dépourvues de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE). Dans lesquelles l’employeur pourra :

  • Négocier avec lui-même, un « accord collectif » qui modifiera éventuellement le contrat de travail des salariés (rémunération, temps de travail…),
  • Rédiger lui-même le texte de la question soumise à la consultation des salariés,
  • Fixer lui-même, les modalités d’organisation de la consultation, qui pourra se faire par tous moyens, y compris à main levée !
  • Rédiger lui-même le Procès-Verbal relatif au résultat de la consultation. À qui profite une telle extension ? Sans doute pas aux intérêts des salariés !

Ces textes portent une atteinte grave au droit de la négociation collective qui appartient aux salariés, et qu’ils mettent en œuvre par le moyen de leurs représentants.

Sans avoir l’air d’y toucher, d’autres modifications majeures sont apportées.

En faisant passer les modalités de calcul du seuil d’effectif d’une appréciation sur les « 12 mois consécutifs ou non, au cours des 3 années précédentes » à celle glissante « pendant douze moins consécutifs », n’est-ce pas – sans le dire – permettre aux employeurs de s’affranchir davantage des conditions de seuils pour déclencher la création d’un CSE ?

Sans doute pour que la régression soit plus épurée, la nouvelle ordonnance précise et parachève l’inversion de la hiérarchie des normes et la destruction du principe de faveur.

Ainsi en assurant qu’il apporte des « garanties équivalentes », dont on ne sait ce qu’elles sont, un accord d’entreprise prévaudra et pourrait déroger non seulement à la convention collective de branche mais aussi sur tout accord couvrant un champs territorial ou professionnel plus large.

Pour assujettir davantage les commissions santé, sécurité et conditions de travail à la volonté de l’employeur, l’ordonnance juge bon de soumettre la possibilité donnée à l’inspecteur du travail d’imposer la création de commissions dans les entreprises de moins de 300 salariés à un recours supplémentaire, devant son supérieur hiérarchique. Quelle positionnement ainsi de la DIRECCTE face aux arguments de non recrutement, de plans de licenciements ou encore de délocalisation qui ne manqueront pas d’être exposés ?

Et pour ceux qui continuent à penser que le secteur public ne sera pas concerné par les ordonnances : C’est la fin du statut particulier du personnel de la RATP pour toutes les institutions représentatives du personnel et un comble, la fin des CHSCT pour l’Etablissement public de sécurité ferroviaire.

Ainsi le nouvel article L.2221-3 du code des transports indique que le comité social et économique prévu à l’article L.2311-2 du code du travail tient lieu de comité technique au sens de l’article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 et de CHSCT au sens de l’article 16 de cette même loi.

Quelles prérogatives nous autorisent aujourd’hui à attaquer les dispositions du code des transports ? Nul doute que les cheminots et les agents de la RATP apprécieront ! Il y a de fortes probabilités que la grève massive sur le réseau RER du 12 décembre dernier ne soit qu’un faible aperçu de la riposte.

Autre modification, dans cette ordonnance : le fonds de financement du dialogue social financera les employeurs des entreprises de moins de 50 salariés ayant maintenu la rémunération des salariés participant aux négociations de branche.

Cette disposition ne permettra en rien d’accroître la participation des salariés des petites entreprises aux négociations de branche mais constituera un effet d’aubaine pour les entreprises.

Il s’agit, de fait, de ne plus prévoir le remboursement, au niveau de la branche, mais d’y substituer un droit de tirage sur le fonds paritaire, sans que les entreprises ne déboursent un euro supplémentaire. Quand on sait que des « rumeurs » persistantes font état d’une possible baisse de la cotisation patronale à ce fonds, il y a grand danger pour le droit à la formation économique, sociale et syndicale des salariés.

D’ores et déjà, nous demandons que la 6ème ordonnance s’en tienne strictement au cadre qui lui a été fixé à savoir la correction des « coquilles » des 5 premières.

Ce qui ne vaut pas pour autant quitus. La CGT rappelle que la lutte dont les formes sont multiples contre les ordonnances Travail est loin d’être finie. Nous continuons à porter ses propositions de progrès social auprès des salariés.

Vote des OS

CFDT : avis défavorable n’était pas demandeuse d’une réforme d’un code de travail. Pour la 6ème ordonnance pas de concertation approfondie

FO : défavorable

CFE-CGC : défavorable Comment s’inscrit cette ordonnance dans le processus de la loi ? CFTC : Prise d’acte avec réserve, « doit apporter un maximum de garanties aux salariés »

Vote des OP

MEDEF : défavorable

CGPME : globalement favorable avec réserve (correction des lacunes)

UNAPL : pas de commentaire. Prise d’acte sous réserve.

Mutualité Agricole : favorable