Éthique et droits de l'homme, vu par les multinationales.

Nous nous souvenons tous du drame du 24 avril 2013 au Rana Plaza. 1138 ouvrier-e-s textiles y ont perdu la vie, et plus de 2500 y ont été blessé-e-s (Relire article "Rana Plaza, 1 an après").

Plus d'un an après cette catastrophe, les victimes attendent toujours d'être indemnisées ; le travail s'y effectue toujours dans des conditions inhumaines ; rien, ou peu de choses, n'a changé. Dans leur combat pour la reconnaissance des responsabilités, les victimes sont face à des multinationales qui refusent purement et simplement de reconnaître le moindre tort.

Il faut dire que le système facilite la défense de ces grands groupes. Souvent les multiples filiales qui constituent une multinationale, jouent le rôle de fusibles ; même si des étiquettes Carrefour, Camaieu, etc. ont été sorties des décombres du Rana Plaza, les lois ne permettent pas d'assigner les donneurs d'ordres en justice. Il est impossible d'obtenir la moindre réparation pour les victimes, ni de reconnaître la responsabilité des entreprises dans la fabrication de leurs propres produits.

Ce système favorable à l'esclavagisme pour la sacro-sainte rentabilité financière commence ici, en France. La loi «d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale » qui doit être votée cet été a été vidée de toute contrainte en terme de responsabilité. Sous l'impulsion du MEDEF, Bercy et Matignon l'ont dénaturée avant son passage devant les parlementaires, lui ôtant toute mesure contraignante pour les entreprises.

De ce fait, un collectif d'ONG ("étique sur l'étiquette", "ccfd-terre solidaire", "peuples solidaires" et "sherpa") ont interpellé les entreprises du CAC 40. Il leur a été proposé un questionnaire pour savoir comment elles appliquent "les principes relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme", établis par l'ONU, et si elles étaient favorables à un encadrement juridique de ce principe de sous traitance (Lire l'article de mediapart)

Le résultat de cette consultation, dont le MEDEF s'est emparé afin de guider les entreprises du CAC dans leurs réponses, est clair et désolant.

Dans l'objectif unique et permanent de la rentabilité financière maximum, nos multinationales ne comptent pas remettre en question l'exploitation des êtres humains. En effet un équilibre est en place : d'un côté certains États sont laxistes et peu regardant en terme de droits de l'homme (lobbys et pot de vins peut-être ?) ; de l'autre "les entreprises ne peuvent pas se substituer aux États défaillants" (dixit Capgemini). Ainsi on comprend tout à fait que ces groupes ne vont pas tuer la poule aux œufs d'or, et feront certainement tout leur possible pour empêcher l'émancipation des citoyens et le développement humain et social de leurs "pays-ateliers". Veolia, en charge de l'assainissement des eaux d'Alexandrie, a ainsi porté plainte en 2012 contre l'État égyptien, pour avoir "osé" instauré un salaire minimum.

Il faut pourtant se battre contre cette misère humaine organisée, responsable du dumping social qu'on connaît en France. Prendre des mesures dans les pays de production aura un effet bénéfiques là-bas, mais ici aussi. Les problèmes des salarié-e-s détaché-e-s (relire l'article), les fermetures d'outils de production délocalisés, le tirage des salaires vers le bas... tous ces combats locaux ne pourront être gagnés que quand tou-te-s les travailleur-se-s seront organisé-e-s et en mesure de conquérir des droits nouveaux.

La CGT est mobilisée dans ce combat et vient de signer une convention avec le syndicat bengali NGWF. Ainsi va se mettre en place un projet de formation pour les ouvrier-e-s du Bangladesh (Lire le communiqué de la CGT). Il s'agit là d'un combat à dimension mondiale, mais agir partout pour que les ouvrier-e-s gagnent des droits, c'est agir ici aussi. Les entreprises, qui en ce moment touchent leurs cadeaux et délocalisent la production, ne doivent pas faire la pluie et le beau temps social.