Paysage syndical palestinien

État des lieux proposé par le Collectif syndical BDS France.

TERRITOIRES DE 1948 (ISRAEL)

Le paysage syndical en Israël est dominé par la Histadrout, le syndicat raciste qui ne défend que les travailleurs juifs alors que tous les travailleurs, juifs et palestiniens, sont obligés de lui payer une cotisation syndicale. Si le boycott de la Histadrout est un impératif qui ne fait pas débat, qu'en est-il d'autres syndicats ou associations de défense des travailleurs basés en Israël?

Ne bénéficiant pas du statut officiel de syndicat, des associations de défenses des travailleur.se.s se montent, telle Kav La Oved (en 1991, http://www.kavlaoved.org.il/en/) ou le Workers Advice Center (WAC-MAAN, à la fin des années 1990, http://www.wac-maan.org.il/en/).

Après les accords d’Oslo, certaines associations défendent spécifiquement le droit des Palestiniens citoyens d’Israël, telles que le Mossawa Center basé à Haifa (né en 1997 http://www.mossawa.org/en/) ou Sawt el-Amel (La Voix du Travailleur, née en 2000).

En 2007 un petit syndicat israélo-palestinien est autorisé, Koach la Ovdim (http://workers.org.il/english/), et en 2010, l’ONG palestinienne Sawt el Amel déviant le syndicat Arab Workers Union, basé à Nazareth (http://arab-workers-union.org/en/).

Ces organisations défendent les droits des travailleur.se.s, y compris les Palestinien.ne.s et les migrants asiatiques, mais elles ne prennent pas explicitement, ou ne peuvent pas prendre, de positions politiques dans le contexte du conflit israélo-palestinien. Elles ne tiennent pas compte du fait que les Palestiniens sont une minorité dont l’État d'Israël colonise le territoire et viole le droit à l'autodétermination. Elles ne luttent pas au côté des Palestinien.ne.s dans leur lutte pour leurs droits nationaux et ne soutiennent donc pas officiellement la campagne BDS. Pire, elles ne soutiennent pas des droits reconnus par l'ONU comme le droit au retour ou le droit à la résistance des Palestiniens.

TERRITOIRES DE 1967 AVANT OSLO : LA GFPLU

Avant Oslo, le syndicat palestinien est la General Federation of Palestinian Labour Unions (aussi appelé General Federation of Unions, et sa première émanation en 1920 s'appelait la Arab Workers' association), lié à l'OLP et à Fatah. Il syndicalise potentiellement et théoriquement tous les ouvriers palestiniens dans le monde, donc en Cisjordanie et Gaza bien sûr, mais aussi en territoire israélien "de 48", voire à l’étranger, en Jordanie, dans les pays du Golfe, ou ailleurs. Parmi les dirigeants de la General Federation, on trouve Mahmoud Ziadeh en 1982, qui fera 4 ans de prison pendant la première Intifada.

1993 : OSLO ET LA PGFTU

Le processus d'Oslo est une catastrophe pour le paysage syndical palestinien (aussi !), puisque la fédération syndicale palestinienne trouve un accord avec la Histadrout israélienne : en échange d'une subvention (en fait la restitution de 50% des cotisations syndicales des ouvriers palestiniens d'Israël), elle accepte de limiter son champ syndical à la Cisjordanie et Gaza, abandonnant les Palestiniens "de 48" mais aussi ceux qui travaillent dans les colonies de Cisjordanie. Certains dans le syndicat ne l'acceptent pas, et la fédération se divise en trois:

La Palestinian General Federation of Trade Unions (PGFTU) accepte cet accord, c’est LE syndicat hégémonique palestinien dans tous les secteurs, lié à l’autorité palestinienne et à l'OLP. Son président est Shaher Saed et il est basé à Naplouse. Il est affilié mondialement a la CSI (ITUC, comme... la Histadrout !), et il revendique 300.000 membres en Cisjordanie et à Gaza.

La General Union of Palestinian Workers (GUPW, aussi appelée parfois Palestinian Trade Union Federation, PTUF), qui prétend être indépendante mais qui est encore liée au Fatah. Plus radical que la PGFTU, elle syndique les Palestiniens du monde entier (il existe ainsi une section du GUPW en Grèce par exemple). Son président est Haidar Ibrahim, et elle est affiliée mondialement à la FSM (WFTU). Aujourd'hui, sa direction vieillit, le syndicat décline et ne fait plus grand-chose… Attention à ne pas la confondre avec la General Union of Palestinian Women, l'organe féminin de l'OLP.

Aucun autre syndicat indépendant n’étant autorisé en Palestine à cette époque, des organisations para-syndicales se mettent en place, contestant le pouvoir autoritaire, sectaire et assez peu démocratique de la PGFTU :

3a) le Democracy and Workers' Rights Center (DWRC http://www.dwrc.org/), dont le president aujourd'hui est Niaz Shaja’ia, mais où l'on retrouve à l'époque Mahmoud Ziadeh qui proteste contre le déficit de démocratie au sein de la PGFTU. Il a le statut d'observateur à la CSI. Petit a petit, le DWRC (basé a Ramallah), devient une ONG, avec les défauts qui accompagnent cette évolution...

3b) des comités de travailleurs indépendants.

3c) des associations islamiques de défense des travailleurs comme la Islamic Workers’ Association, proches du Hamas.

3d) dans certains secteurs, il existe des syndicats indépendants, par exemple dans le secteur universitaire (Palestinian Federation of Unions of University Professors and Employees) ou dans le secteur agricole le Union of Agriculture Workers Committees (UAWC http://uawc-pal.org/mainen.aspx), proche du FPLP, ou le Palestinian Farmers Union (PFU, http://www.pafu.ps/en), issu dans les années 2000 de l'ONG PARC (Palestinian Agricultural Relief Committees, http://www.parc.ps/). Dans le même genre, un syndicat local s'est formé autour de Tulkarem: Union of Workers Associations in the Food Industries and Agriculture / Tulkarem.

2007 : PREMIÈRE FÉDÉRATION SYNDICALE INDÉPENDANTE : LA GFIU

En 2007 la première fédération syndicale indépendante réussit à se mettre en place. D'abord appelée la Federation of Independent & Democratic Trade Unions & Workers' Committees in Palestine (aussi parfois appelée Coalition of Independent Democratic Trade Unions), elle émane du DWRC, avec à sa tête Mohamed Arouri, et elle revendique 50.000 membres en Cisjordanie et Gaza.

Elle change plusieurs fois de nom (Federation of Independent Trade Unions, Independent Federation of Unions, General Federation of Independent Labor Unions, General Federation of Independent Trade Unions in Palestine etc.), mais elle s'appelle aujourd'hui la General Federation of Independant Unions (GFIU), et elle est basée à Ramallah. Son président est Mahmoud Ziadeh, on y trouve aussi Wajih El Sheikh et Imad Temiza, le très actif président du syndicat des postiers de cette fédération, et elle revendique 20.000 membres dans divers secteurs (pharmacie, électricité, eau, agriculture, santé, poste, finance, universités...). Elle prend part à la campagne BDS, et elle fait partie du Réseau syndical international de solidarité et de lutte.

2016 : NOUVELLES FORMATIONS INDÉPENDANTE

En 2010, une explosion a lieu dans une usine de produits chimiques d'une colonie  israélienne de Cisjordanie, proche de Tulkarem, causant la mort de cinq Palestiniens. Une grande grève demande l'amélioration des conditions de travail pour les ouvriers. Les travailleurs s'organisent seuls et regrettent de ne pas être soutenus financièrement par les fédérations syndicales, ni la PGFTU ni la GFIU, en partie parce que ces organisations n'ont pas l'habitude de travailler dans les colonies israéliennes. Après une longue grève de 6 mois, les travailleurs obtiennent gain de cause. Renforcée par cette victoire, cette organisation principalement implantée à Tulkarem s'étend  à  plusieurs  zones  de  Cisjordanie, et à plusieurs secteurs de travail (agriculture, pêche, alimentation, textile, industrie, service public, construction,  tourisme,  secrétariat,  transport,  finance...),  formant petit à petit une nouvelle fédération indépendante qui, en mars 2016, obtient le titre de syndicat sous le nom de New Federation of Trade Unions (NFTU, https://newunions.wordpress.com/), avec Mohamed Jawabreh à sa tête, mais aussi Mohamed Blaidi et Hanan Salman. Ils sont soutenus par l'organisation Stop The Wall qui leur fait bénéficier de son  réseau  dans  le monde, en particulier la CUT au Brésil, Unison en Grande Bretagne et la LO en Norvège (via une association appelée Workmates Norge-Palestina qui assure des formations au syndicalisme en   Palestine).

En 2013, un comité d’enseignants de Bethléem indépendant de tout syndicat négocie des conditions de travail qui ne sont jamais appliquées par l’Autorité Palestinienne. En février 2016, via les réseaux sociaux, la plus grande lutte sociale qu’ait connu la Cisjordanie démarre par une grève de 5 semaines, rassemblant jusqu'à 80 % des enseignants du pays, organisés en comités de lutte, culminant le 7 mars dans une manifestation de 35.000 personnes à Ramallah, et obtenant gain de cause fin mars.

La patience envers l’Autorité Palestinienne a trop duré, et cette mobilisation « par le bas » préfigure peut-être une nouvelle forme d’engagement syndical en Palestine, après tant de déceptions venant d’organisations engluées dans la bureaucratie et la corruption...