Loi Touraine : expression du syndicat CGT du CHU de Clermont-Fd

La loi Touraine est la déclinaison du plan gouvernemental de réduction de 50 milliards des dépenses publiques d’ici 2017. La part d’économies imposées pour les dépenses de santé est de 10 milliards (20%) dont 3 milliards pour les hôpitaux publics (économies majorées à d’autres titres pour les hôpitaux publics) :

  • Réduire la place de l’hôpital public en lui imposant des plans drastiques d’économie, des réductions de personnel, de lits et d’activité et offrir de nouvelles activités aux cliniques privées lucratives.
  • Réduire les dépenses de santé remboursables et soumettre entièrement la Sécurité-Sociale aux objectifs gouvernementaux pour laisser encore plus de place aux assurances privées et aux banques

En conséquence, il s’agit ni plus ni moins que de la remise en cause du droit à la santé pour les assurés sociaux.

∞∞∞∞∞

Ce projet de loi se situe dans la continuité des attaques antérieures contre l’hôpital public (ordonnances Juppé 1996, réforme de 2004, loi Hôpital Patient Santé Territoire de 2009…).

Il fait partie des mesures prises par ce gouvernement (loi Macron, loi Rebsamen…) face à la crise du système capitaliste pour s’en prendre aux acquis ouvriers (ici la Sécurité-Sociale)et pour défendre les intérêts des assurances privées, des banques, des fonds de pensions et établissements privés lucratifs contre ceux des hôpitaux publics.

Ce projet a été voté en première lecture à l’Assemblée Nationale début avril 2015, après son passage devant le Sénat, il sera soumis pour vote définitif à l’Assemblée Nationale en juin ou début juillet 2015, puis se succéderont ordonnances et décrets. Une des premières dispositions à entrer en vigueur au 1er janvier 2016 sera que chaque établissement public de santé doit adhérer à un Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) ce qui impose des suppressions de service : services informatiques, d’achats, de formation, écoles, logistiques et administratifs dans un premier temps, puis des fermetures de services de soins dans le cadre d’un projet médical commun obligatoire. 

La zélée ministre de la santé a annoncé les chiffres pour les hôpitaux publics :

  • 3 milliards d’économie pour les 3 exercices 2015, 2016 et 2017 dont 1 milliard pour baisser la durée de séjour et développer la chirurgie ambulatoire, c’est-à-dire supprimer des lits d’hospitalisation pour réduire le personnel, peu importe les conditions dans lesquelles les malades sortent à l’issue de l’opération,
  • 860 millions d’euros d’économie supplémentaires en 2015 imposées dans le but de supprimer 22 000 postes,
  • baisse de la tarification en 2015 donc des ressources des hôpitaux.

C’est dans ce cadre que les directions d’Hôpitaux publics, en particulier Martin Hirsch à l’Assistance Publique de Paris, s’engagent dans la négociation de plans d’allongement de la durée du travail, de suppressions de jours de congés, etc… A ce jour, ces réunions sont boycottées par les organisations syndicales de l’AP-HP. Les « 35 heures » dans les hôpitaux, imposées par le gouvernement Chirac, Jospin, Guigou, en 2001/2002 ont suscité de grandes grèves des personnels hospitaliers parce que cette soi-disant réduction du temps de travail déréglementerait l’organisation du travail : grande flexibilité des horaires, annualisation, remise en cause des droits, horaires à rallonge et toujours travailler plus en moins de temps.

Ce que gouvernement et directions d’hôpitaux veulent aujourd’hui, c’est imposer encore plus de flexibilité, allonger le temps de travail, faire travailler plus et gagner moins.

∞∞∞∞∞

Ce cadre étant posé, on peut apprécier le contenu de ce projet de loi :

1.  Maitrise des dépenses de santé (remboursables) et objectifs chiffrés d’économie

  • Les pouvoirs des Agences Régionales de Santé sont renforcés, véritables bras armés du gouvernement. Le projet de loi prévoit explicitement en son article 38 que la Stratégie Nationale de Santé définie par le gouvernement est déclinée par région par contrats entre le ministère et les ARS qui comportent un volet consacré à la maitrise des dépenses de santé et fixent des objectifs chiffrés d’économies. Avant même le vote définitif de la loi, les ARS viennent de recevoir leurs objectifs chiffrés d’économies à imposer dans les hôpitaux publics jusqu’en 2017 (Voir le journal les Echos des 15/16 mai 2017).
  • Regroupement d’activités et d’établissements hospitaliers publics à marche forcée,( voir plus haut la mise en œuvre des GHT).
  • Porter un coup majeur à la psychiatrie publique et à la sectorisation 

2.   Défense des intérêts des cliniques privées lucratives (détenues en majorité par des fonds de pension)

Ouverture sans limites aux établissements lucratifs des missions dévolues jusqu’à maintenant à l’hôpital public tels que soins, formation des médecins (qui feront défaut à l’hôpital public, prétexte supplémentaire pour réduire son activité) et attribution des financements correspondants

3.    Soumettre totalement  la Sécurité-Sociale, ses dépenses et ses recettes, à la tutelle de l’Etat via les ARS

Limiter son domaine de remboursements (en réduisant la part de l’hospitalisation), étendre le domaine de remboursements des mutuelles et surtout des assurances et banques (transfert d’activité hospitalière vers la médecine de ville sous ses différentes formes, : réseaux de soins, centres de santé…).

Parallèlement, le gouvernement impose un plan d’économies à la Sécurité Sociale se traduisant par la suppression de 17 000 postes, la plaçant volontairement dans l’impossibilité d’assurer ses prestations : nouveau prétextes pour la dénigrer.

4.    La mise en place du dossier médical partagé

C’est l’accès aux données de santé, ouvrant ainsi un champ de connaissances sans limites aux assurances, aux laboratoires, pour adapter leur activité à la recherche d’un meilleur profit

5.   Ouverture à la concurrence et aux capitaux privés de la transfusion sanguine 

6.  Enfin, bien d’autres mesures relatives à la qualification professionnelle des médecins ou à l’exercice de leur profession : médecins du travail, médecins scolaires, paramédicaux, IDE, sages-femmes.

Un mot à propos du «tiers payant généralisé» : les manifestants s’opposant à cette mesure  revendiquent « la liberté de soigner » ; or, le projet de loi remet en cause le droit à la santé des assurés sociaux. Il est au profit des assurances complémentaires de santés privées et demain à celui des « sur complémentaires ».

On ne peut que faire le constat amer qu’aucun combat conséquent n’a été organisé contre cette loi réactionnaire, qu’aucune initiative centralisée et unitaire n’a été prise pour exiger de la majorité des députés du PS, du PCF, du PG qu’ils s’opposent à ce projet.

Dans ces conditions difficiles, le Syndicat CGT du CHU de Clermont-Ferrand estime que le combat pour mettre en échec l’offensive gouvernementale contre les personnels hospitaliers et les hôpitaux publics est nécessaire dans le cadre d’une initiative unitaire et centralisée nationalement de tous les hôpitaux publics.

CGT CHU Clermont, Juin 2015