Déclaration des Cheminots CGT de Clermont

Réunion DP, 13 septembre 2018

Nous ne pouvons commencer cette déclaration sans évoquer la situation Internationale où, près de chez nous, le nationalisme galope. En Hongrie où la démocratie s’efface, en Italie, en Allemagne, en Grèce et maintenant en Norvège le populisme et la xénophobie gagnent du terrain. Les gouvernements européens toujours plus libéraux donnent toujours plus aux riches alors que la théorie du ruissellement est depuis longtemps totalement décrédibilisée. La France n’est pas épargnée et, déjà, le président Macron ne fait plus illusion. Il est temps de prendre une autre voie où le citoyen aura toute sa place, l’économie au service de l’homme et pas l’inverse.

Ces différents gouvernements, toujours plus libéraux, depuis presque 40 ans s’attaquent aux services publics et au modèle social pour transférer des milliards de la poche des salariés, des retraités, des assurés sociaux vers les plus riches.

Notre SNCF n’a pas été épargnée avec 3 réformes successives qui n’ont fait que la désorganiser et la priver des moyens humains et financiers dont elle disposait.

La dernière en date, celle dite Pacte Ferroviaire n’a en rien résolu les problèmes de l’entreprise. La disparition progressive du Statut de cheminot qui n’est que la conséquence de la politique idéologique du gouvernement ne servira qu’à dégrader les conditions sociales des cheminots dans leur ensemble, SNCF et EF privées et à brider les revendications collectives à travers les mouvements sociaux. Le changement du Statut de l’entreprise en Société Anonyme ne servira que l’intérêt des financiers, à ce titre l’agence de notation Fitch a déjà dégradé en ce mois de juillet 2018 la note de l’entreprise de 2 crans alors que ce changement n’interviendra que dans un an et demi au 1er janvier 2020. Par contre les intérêts d’emprunt augmenteront immédiatement aux seuls profits des banques. Le but pour les libéraux n’étant pas de quelconques économies mais simplement de permettre l’ouverture aux capitaux privés pour à terme, privatiser la SNCF comme cela a été fait dans tous les secteurs monopolistiques, électricité, gaz, télécoms… L’ouverture à la concurrence, 3ème point de la réforme participera à la privatisation et aura comme conséquences principales la captation d’une partie des subventions et budgets régionaux et nationaux alloués aux transports par les actionnaires, la dégradation des conditions de travail et des conditions sociales et salariales des cheminots de toutes les entreprises ferroviaires à travers le dumping social seul levier qui pourrait permettre une réelle différence de coût lors des appels d’offres. Encore une fois la mise concurrence entre les salariés sera la seule variable d’ajustement au  détriment des salariés eux-mêmes et des usagers. Pourtant, même les Anglais, les Européens les plus libéraux renationalisent des lignes car les actionnaires ont spolié l’argent au mépris des investissements et de l’intérêt des usagers.

Enfin, l’autre conséquence de l’ouverture à la concurrence en sera la concentration des circulations ferroviaires sur les seules lignes que les libéraux estimeront rentables. Les grands perdants seront les usagers, les territoires ruraux et leur activité économique, l’aménagement du territoire, les cheminots dans leur ensemble y compris du Fret obligés de déménager car leur « petite ligne » aura fermé.

La CGT propose au contraire un développement du rail à travers « Ensemble pour le FER » grâce à de nouvelles sources de financement, notamment taxe transport et nationalisation des autoroutes dont les profits colossaux sont captés par des intérêts privés. L’exemple Gênois ne servira même pas de leçon.

La loi rétrograde « pacte Ferroviaire » nous fait retourner avant 1938 et la création de la SNCF qui est le fruit d’un regroupement de toutes les entreprises privées qui, à l’époque, dominaient le marché. Ce sont alors les patrons des entreprises ferroviaires, alors exsangues, qui déjà ont engrangé quelques bénéfices en échange de la cession de leur entreprise mais surtout de la reprise de l’ensemble des dettes qui sont donc, avec l’inconséquence continue des politiques, à l’origine de la dette colossale qui n’est pas celle des cheminots mais bien celle de la Nation.

Rien dans cette réforme ne permettra d’améliorer la production ferroviaire puisqu’aucun moyen financier supplémentaire n’est alloué à l’emploi, bien  au contraire des efforts de productivité viennent en « contrepartie » de l’allégement de la dette. La sécurité, l’emploi et les conditions de travail seront, encore une fois, les victimes privilégiées. La future Loi sur les Mobilités Intérieures (LOMI) ne prévoit aucun report Modal en faveur du rail malgré la petite musique écologique diffusé en continue. Une hypocrisie de plus, Hulot l’a appris à ses dépens.

Voilà pourquoi la lutte ne peut s’arrêter, les cheminots ne peuvent baisser les bras et être fatalistes, cette option n’est pas envisageable. On peut perdre une bataille, mais pas on n’a pas le droit de baisser les bras. Plusieurs temps forts marqueront la suite afin d’obtenir des assurances concernant les garanties disciplinaires et sanctions, la garantie de l’emploi, le déroulement de carrière, le droit syndical et des instances de représentation répondant aux exigences de sécurité ferroviaire et de règlementation de nos métiers, contre la privatisation et l’éclatement de l’entreprise, pour l’intégration de la production, pour l’avenir des sites ferroviaires et des petites lignes, pour l’emploi, les salaires, les pensions, pour la relance du Fret. C’est ça le statut de cheminot !

Les militants CGT, avec de nombreux autres cheminots dont bon nombre de cadres et de cadres supérieurs se sont montrés exemplaires dans cette lutte par séquence de 2 jours tous les 3 jours. Cette stratégie, qui a plus que surpris le gouvernement et direction, aurait dû permettre la gagne si l’ensemble du corps cheminot s’était mobilisé. Faut-il croire que les propos du premier ministre Édouard Philippe sont intangibles  quand il annonçait au début du conflit : « Je compte sur les égoïsmes individuels pour tuer la mobilisation (des cheminots) dans l'œuf »… ?

Il serait défaitiste de croire que l’individualisme empêche toute revendication collective et la CGT continuera à proposer, négocier et si nécessaire invitera à la lutte par la grève, prochaine échéances les 18 et 21 Septembre puis le 09 Octobre. La CGT dans son ensemble a mené et mène encore une lutte exemplaire

L’attitude de la direction dans ce conflit atteint des sommets d’innacceptabilité. Des cheminots sont menacés de radiation pour de simples faits anodins de grève, avoir allumé une torche sur un quai par exemple. En Auvergne-Nivernais plusieurs militants CGT sont sous le coup de procédures disciplinaires au Fret à Saint-Germain des Fossés, à Aurillac, à la vente sur Clermont, à Magellan où l’on est inquiété si on dévoile certaine vérités … Deux militants CGT retraités sont condamnés au retrait de leurs facilités de circulation pendant 12 mois sur ordre du DRH régional et sans aucun recours possible. Trois autres militants CGT dont le secrétaire du syndicat CGT de Moulins et deux militants CGT régionaux sont traduits en conseil de discipline avec des propositions de sanction allant jusqu’au Dernier Avertissement avant révocation assorti de jours de mise à pied. On leur reproche uniquement des attitudes et des propos jugés déplacés ! La direction est beaucoup plus ferme avec les dirigeants syndicaux pour des attitudes et des propos alors que d’autres, pour des faits bien plus graves ont des sanctions de façade ou n’en ont aucune.

La retenue totalement illégale de jours de grève au titre des repos afin de briser la grève en tapant au porte-monnaie des cheminots est un autre exemple flagrant de l’inacceptable. Condamnée pour entrave au droit de grève, la direction a osé faire appel… La solidarité des structures CGT et de nombreux particuliers a permis d’alléger un tant soit peu les sacrifices financiers.

Le message en direction des cheminots qui assènent que 80% de la loi reste à écrire est réellement à prendre au sérieux. Le gouvernement par cette loi a détruit des éléments structurants pour les cheminots, mais sans indiquer ni même préparer ce qui les remplacera. Les cheminots ont compris que rien n’est perdu et que le conflit n’est pas terminé, loin de là, que les égoïsmes doivent laisser la place à l’intérêt général.

En cette rentrée les conséquences de la réforme se font déjà lourdement sentir. Le chantage à la reprise de la dette notamment. Pour rappel, le deal décidé unilatéralement par le gouvernement, en échange de la reprise partielle de la dette, est un effort de productivité sans précédent même au détriment de la  sécurité, de l'emploi, des conditions de travail des cheminots. Le seul objectif : supprimer 2500 postes par an.

C'est ainsi que la plupart des gares petites et moyennes verront leur guichet soit disparaître soit leur nombre et l'amplitude d'ouverture diminuer. De plus l'activité TER se désengage de la vente à l'EIC et ne paiera plus pour cela. Les agents de l'EIC ne vendront donc plus de billet. Avec un impact prévisible sur l'emploi, à l'UO voyageur mais aussi à l'EIC.

La même activité TER se désengage aussi de l'accueil des voyageurs en gare. Les voyageurs seront-ils livrés à eux même ? Ou parleront-ils à un robot ?

La direction s'attaque aussi à la filière 27 au mépris de la sécurité en supprimant l'autorisation de départ des TER et INTERCITES sur l'axe Clermont / Paris et supprime le poste de ROPT.

La LAF, la plus grande escroquerie vendu aux cheminots comme LA solution est un échec cuisant, non seulement la fraude s’installe notamment sur Clermont – Thiers, mais les recettes perçues par l’ensemble des contrôleurs ne cesse de chuter. Et la direction annonce la baisse d’interventions LAF encore au détriment de l’emploi. La CGT l’avait annoncé dès le début du projet, la LAF sert juste à supprimer des dizaines d’emplois.

La direction a aussi annoncé la fin de l'ETSVA avec des managements par axe. De nombreux services à Magellan seront touchés voire supprimés.

Elle étudie aussi la possibilité de s’accaparer de la flotte Auvergnate d’AGC, beaucoup plus capacitaire, en échange de 73500 vieillots. Tout nous pousse à croire que la suppression (définitive) de 18% des TER à Lyon Part Dieu suite aux travaux n’y est pas étrangère.

Ne reste plus qu'à annoncer comme en Limousin, la fermeture de lignes et l’Auvergne sera un grand désert ferroviaire.

Quant au FRET, la filialisation va entraîner la suppression de 700 postes. En congédiant un TA, sans reclassement, le plan a déjà commencé...

Il est important de rappeler les paroles de nos dirigeants qui affirmaient par exemple que le TER Sud ne serait pas concerné par les réorganisations en 2018 ou les paroles de M. vaillant en CER du 28 Août dernier affirmant la pérennité de l’ETSV. Vous n’avez donc aucune parole.

Face à toutes ces attaques qui mettent gravement en danger le travailler au Pays, les cheminots répondront. Et, au vu de la situation économique et sociale, tous les éléments sont là pour que bien d’autres corporations nous suivent dans notre lutte. Les lois en défaveur des plus fragiles sont aussi nombreuses que celle en faveur des plus riches. Retraités, étudiants, salariés cheminots, fonctionnaires ou du privés et les privés d’emploi ne pourront pas très longtemps rester spectateurs de la désintégration de notre modèle social et des reculs sociaux et sociétaux imposés par la stratégie on ne peut plus libérale d’un gouvernement qui se croit intouchable et dont la violence sociale et l’impression d’impunité ne sont plus à démontrer. Les affaires Benalla et Agnès Saal ont fait exploser l’image lisse du Président Macron et enfin éclater la vérité, non ce n’est pas un homme neuf. Même méthodes d’un autre temps, même politique antisociale que ses prédécesseurs.

Les acquis de la lutte en cours ne sont, jusque-là, pas à la hauteur de l’espoir qui animait les cheminots à l’annonce du calendrier des séquences de grève. Pourtant ils ne sont pas à négliger et démontrent bien que seule la lutte peut faire bouger les lignes. La reprise de la dette à hauteur de 35 milliards, les engagements du gouvernement sur la CCN, la conservation du patrimoine social dans une instance unique.., c’est grâce à la lutte ! Lutte qui doit encore permettre l’écriture d’une CCN de très haut niveau et de maintenir la pression sur les 8 points de revendication qui animent le conflit des cheminots. Tout comme la réforme des retraites qui nécessitera, de toute façon, la construction d’un rapport de force de très haut niveau. D’autres choix sont possibles, et, tous ensemble, nous pourrons imposer nos idées progressistes et les seules à même de sauver nos emplois, des services publics de qualités et au-delà les intérêts de tous.

Anthony Prat