La loi Rebsamen « relative au dialogue social et au soutien à l’activité des salarié-e-s » adoptée le 23 juillet, légifère contre la représentation syndicale.

Retrouvez le tableau synthétisant les changements provoqués par cette nouvelle loi, dont l’unique objectif est de réduire encore plus l’activité syndicale. L’analyse suivante nous est proposée par la Fédération des Industries du Livre, du PApier et de la Communication.

Le motif réel et sérieux de ce projet tient en peu de mots : puisque le salaire est l’ennemi désigné de la sauvegarde des profits et des dividendes versés aux actionnaires, le droit syndical, instrument de défense de la rémunération du Travail doit être raboté, comme le Code du travail l’est par la loi Macron.

Évaluer la portée de cette loi, c’est d’abord éliminer la méthode consistant à se mettre en situation immédiate d’amendement a priori. Cette méthode dont abusent les négociateurs à l’insu de leurs mandataires, les salarié-e-s syndiqué-e-s, entraîne un suivisme à l’égard des revendications du Medef, avec les dégâts conséquents, visibles de tous. Par cette méthode oui-ouiste, seul le texte patronal est pris en compte, ce que pratique Rebsamen sans vergogne.

  1. Le contenu réel du projet de loi : réduction des droits des salarié-e-s, extension des droits de l’employeur.
  • Article 1 - Commissions paritaires régionales pour les salarié-e-s et les employeurs des entreprises de moins de onze salarié-e-s. Les articles du Code du travail créés :

Art. L. 2391-1 du Code du travail : « Des commissions paritaires interprofessionnelles sont instituées au niveau régional afin de représenter les salariés et les employeurs des entreprises de moins de onze salariés. » Dix sièges pour les patrons, dix pour les représentants des salariés.

Art. L. 2393-1 du Code du travail attribue les compétences de ces commissions paritaires : donner les informations et conseils utiles sur la légalité, traiter les problèmes des TPE de onze salarié-e-s et moins.

Art. L. 2393-2 du Code du travail : « Les membres de la commission n’ont, pour l’exercice de leurs fonctions, pas accès aux locaux de l’entreprise. »

Commentaire : en quoi est-ce une création d’un droit syndical ? Il ne s’agit pas de l’obtention du fait syndical jusqu’ici refusé par la CGPME et les petits patrons. Il est crée une commission paritaire syndicats-patronat selon l’orientation commune Medef-CFDT de juin 2011, au terme de laquelle patron et salarié-e-s n’ont pas d’intérêt divergeant. La loi dicte au syndicat de salariés le chemin de la collaboration des classes ! Et la CGPME obtient gain de cause : le syndicat est noyé dans une commission paritaire régionale qui reste sur le trottoir, en dehors du territoire de l’entreprise.

  • Article 8 - Élargissement et fonctionnement de la délégation unique du personnel (DUP) aux entreprises de moins de 300 salarié-e-s. C’est l’employeur qui décide de sa mise en place. La DUP intègre la délégation du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT. Articles nouveaux du Code du travail :

Art. L. 2326-1 : L’employeur « prend cette décision après avoir consulté les délégués du personnel et, s’ils existent, le comité d’entreprise et le CHSCT. »

Art. L. 2326-2 et suivants définissent les modalités d’exercice du droit patronal dans la contraction des attributions des instances représentatives, notamment l’expertise commune et unique - Art L 2326-6 - 5°

- et l’ordre du jour unique – Art L 2326-6 - 4°

Commentaire : en quoi est-ce une création d’un droit syndical ? L’employeur dispose de plus de droit, le CHSCT est noyé dans les autres IRP, ce qui va mécaniquement réduire son indépendance de fonctionnement, le temps imparti à l’ensemble va être plus cours, le tempo Macron est de nouveau introduit.

  • Article 9 – Possibilité d’élargissement de la DUP par négociation dans les entreprises d’au moins 300 salarié-e-s. Article nouveau du code du travail :

Art. L 2391-1 « Dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, un accord majoritaire peut prévoir le groupement des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou deux de ces institutions représentatives au sein d’une instance exerçant l’ensemble des attributions des institutions faisant l’objet du regroupement. »

  • Article 11 - Le premier alinéa de l’article L. 4611-1 du Code du travail est ainsi rédigé :

« Les entreprises de plus de cinquante salariés mettent en place un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans leurs établissements d’au moins cinquante salariés. Tous les salariés de ces entreprises sont rattachés à un de ces comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. »

Commentaire : Le droit au CHSCT intègre la loi. C’est le seul point positif !

  • Article 12 - Réunions communes des institutions représentatives du personnel. Article nouveau du Code du travail :

Art L. 2391-1 « L’employeur peut organiser des réunions communes de plusieurs des institutions représentatives du personnel définies par le présent livre, ainsi qu’à l’article L 4616-1, lorsqu’un projet nécessite leur information et leur consultation. »

Commentaire : En quoi est-ce un droit syndical que d’étendre celui de l’employeur à concentrer les IRP et multiplier les DUP ?

  • Article 13 - Regroupement des consultations annuelles obligatoires. Articles nouveaux du Code du travail :

Art L. 2323-2 - 2° « Les projets d’accords collectifs, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à l’avis du comité d’entreprise. »

Art L. 2323-6 « Le comité d’entreprise est consulté chaque année dans les conditions définies par la présente section sur 1° les orientations stratégiques de l’entreprise, 2° La situation financière de l’entreprise 3° La politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi. »

Art L. 2323-15 – « La consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi porte sur l’évolution de l’emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de prévention et de formation envisagées par l’employeur, l’apprentissage, les conditions d’accueil en stage, les conditions de travail, les congés et l’aménagement du temps de travail, la durée du travail, les modalités d’utilisation du contingent annuel d’heures supplémentaires et de son éventuel dépassement dans les conditions prévues à l’article L. 3121-11, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d’exercice du droit d’expression des salariés dans les entreprises où aucun délégué syndical n’a été désigné ou dans lesquelles un accord sur le droit d’expression n’a pas été conclu. »

  • Article 14 – Regroupement des négociations. Article nouveau du Code du travail : Section V du projet de loi -Adaptation des règles de négociation par voie d’accord

Art. L. 2242-20 – « Un accord d’entreprise majoritaire peut modifier la périodicité de chacune des négociations prévues à l’article L. 2242-1 pour tout ou partie des thèmes, dans la limite de trois ans pour les deux négociations annuelles et de cinq ans pour la négociation triennale.

« Dans le cas où un accord modifie la périodicité de la négociation sur les salaires effectifs définie au 1° de l’article L. 2242-5, une organisation signataire peut, pendant sa durée, formuler la demande que cette négociation soit engagée. L’employeur y fait droit sans délai.

« Lorsqu’un accord modifie la périodicité de la négociation sur l’égalité professionnelle définie au 2° du L. 2242-8, l’entreprise est regardée comme remplissant, pour la durée prévue par l’accord, l’obligation posée par l’article L. 2242-9.

« Un accord d’entreprise majoritaire peut adapter le nombre de négociations au sein de l’entreprise ou prévoir un regroupement différent des thèmes de négociations mentionnés au présent chapitre, à condition de ne supprimer aucun des thèmes devant être soumis obligatoirement à la négociation. »

Commentaire : Le terme « simplification » et le mot « rationalisation » prennent ici tout leur sens. Il s’agit de concentration et réduction du temps de négociation et de consultation, de façon que l’employeur ait les mains libres et ne fournisse comme informations que celles décidées par le Conseil d’État. De quoi satisfaire un syndicalisme oui-ouiste institutionnalisé, mais les intérêts des salarié-e-s... L’exemple sans appel : cet Art L. 2323-2 - 2° « Les projets d’accords collectifs, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à l’avis du comité d’entreprise. »

  • Article 15 - Négociation dans les entreprises dépourvues de délégué-e syndical-e. Article nouveau du Code du travail :

Art L. 2232-22 « A défaut de salarié élu mandaté en application de l’article L. 2232-21, les représentants élus du personnel au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel ou à l’instance définie à l’article L. 2391-1 ou, à défaut, les délégués du personnel qui n’ont pas été expressément mandatés par une organisation mentionnée au L. 2232-21, peuvent négocier et conclure des accords collectifs de travail. Cette négociation ne porte que sur les accords collectifs de travail dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, à l’exception des accords collectifs mentionnés à l’article L. 2233-21. »

 

Commentaire : L’existence du délégué syndical, mandaté par son organisation représentative, est ainsi contournée, une brèche est ouverte dans son principe d’existence même.

 

  • Article 16 - Franchissement de seuils

Article L. 2325-14 est modifié : 1° Aux premier et deuxième alinéas, les mots : « cent cinquante salariés » sont remplacés par les mots : « trois cents salariés » Au premier alinéa de l’article L. 2325-26, les mots : « deux cents salariés » sont remplacés par les mots : « trois cents salariés ». Au premier alinéa de l’article L. 2325-34, les mots : « deux cents salariés » sont remplacés par les mots : « trois cents salariés ».

Art. L. 2322-7 - « Lorsque l’effectif de cinquante salariés n’a pas été atteint pendant vingt-quatre mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédant la date du renouvellement du comité d’entreprise, l’employeur peut supprimer le comité d’entreprise. »

Commentaire : Cette loi des 300 ? Le relèvement des seuils prémunit l’employeur d’obligations qui sont pour lui un dégoût… Et l’article concernant les 50 salarié-e-s offre la possibilité au patron de liquider un CE sans trop tarder.

       2.  Ce que revendique la CGT

Conquête des droits des instances représentatives du personnel pour les salariés des très petites entreprises - Droit à une information sociale et économique, transparente et lisible - Droit à une consultation efficace

Création d’un droit de recours suspensif du comité d’entreprise de tout licenciement :

  • extension à tous les CE de la disposition appliquée au comité d’entreprise européen : « Lorsque la direction décide de ne pas suivre l’avis exprimé par le comité, ce dernier est de plein droit réuni de nouveau, s’il en fait la demande, par le dirigeant, pour tenter de parvenir à un accord. »
  • rendre obligatoire la consultation préalable du CE sur les points mis à l’ordre du jour du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, lorsque celui-ci porte sur un droit d’information consultation du CE ou du CHSCT.

Le droit pour tou-te-s les salarié-e-s à une représentation collective quels que soient leur statut, l’entreprise et sa taille

Les institutions représentatives du personnel doivent être consultées sur les clauses sociales et économiques d’attribution des subventions publiques et l’adjudication des marchés publics. Elles doivent se voir reconnaître l’attribution de leur suivi (contrôle sur l’emploi effectif et conforme des aides) et disposer d’un droit d’alerte auprès de la collectivité ou de l’État.

Droit à une représentation collective proche des salarié-e-s - La proximité des salarié-e-s de leurs institutions représentatives est un enjeu essentiel pour l’exercice concret de la démocratie sociale au sein de l’entreprise

  • les délégués du personnel et les CHSCT doivent être constitués sur les lieux de travail, voire les services ou ateliers
  • les comités d’établissement doivent être prioritairement mis en place sur les sites.

Droit aux moyens d’un fonctionnement démocratique des institutions représentatives du personnel (IRP)

Le droit du personnel à être informé de l’activité des IRP doit être institué, sous la forme d’heures d’information prises sur le temps de travail. Obligation de remplacer un élu à son poste lorsqu’il prend son temps de délégation. 

FILPAC CGT