Nouveau courrier de Philippe Martinez au Premier ministre

Montreuil le 19 décembre 2018

Monsieur le Premier Ministre,

La dernière Commission Nationale de la négociation Collective s'est réunie ce 17 décembre dernier en l'absence notoire de la Ministre du Travail, censée la présider. A cette occasion, il a été annoncé l'augmentation mécanique du SMIC mensuel à un peu plus de 1521 euros, soit 23 euros bruts d'augmentation. Le SMIC horaire s'établit donc à 10,03 bruts. C'est très largement insuffisant. Une étude récente de l'Observatoire national de la Pauvreté et de l'Exclusion sociale a établi que pour qu'une personne puisse vivre de manière digne, en faisant face à tous ses besoins élémentaires et en ayant aussi un accès à la culture et à la santé, il lui fallait au minimum 1400€ de pouvoir d'achat par mois, ce qui renforce notre revendication d'un salaire minimum à hauteur de 1800 euros brut.

Une des vraies faiblesses structurelles de l'économie française tient à la faiblesse de la rémunération de très nombreux salariés, et à l'importance de la précarité.

Le mouvement social qui s'exprime dans la rue, sur les ronds-points ou dans les entreprises, montre à quel point la question des salaires et plus globalement du pouvoir d'achat est une des préoccupations majeures des citoyens de notre pays. La CGT, lors de la réunion organisée par le président de la République à l'Elysée le 10 décembre, a eu l'occasion de rappeler sa demande d'une augmentation sensible du salaire minimum à hauteur de 1800 euros, soit une hausse de 300 euros (+20%).

Vous n'êtes pas sans savoir que dans la zone euro, le gouvernement espagnol vient d'annoncer une augmentation du salaire minimum de 22%, en dépit d'un taux de chômage largement supérieur à celui de la France.

De même, vous n'êtes pas s'en savoir que le salaire minimum sert de référence pour le démarrage des grilles de classification dans les branches, pour les entreprises mais aussi dans la fonction publique. L'augmenter, c'est permettre des négociations pour la revalorisation de l'ensemble des grilles de classification. Revaloriser les salaires, c'est également des ressources supplémentaires par le biais des cotisations sociales pour notre système de protection sociale (retraites, maladies, famille ...).

Tout comme les personnes qui expriment leurs colères depuis plusieurs semaines, nous avons bien compris que vos dernières annonces concernant les « smicards les moins privilégiés » n'étaient pas un coup de pouce au SMIC ni même une revalorisation du travail, mais une augmentation de la prime d'activité. Cette augmentation est d'ailleurs, pour une part, une anticipation de mesures déjà prises et sera payée par l'impôt. Cette prime d'activité va renforcer les discriminations entre les femmes et les hommes. Ce sont majoritairement les femmes qui sont payées au SMIC du fait entre autres de la discrimination salariale qu'elles subissent et des temps partiels très largement contraints.

En attribuant cette prime en fonction des revenus d'un foyer, vous confortez l'idée que les femmes notamment ne puissent bénéficier de cette aide puisque leur conjoint touche plus. C'est insupportable d'autant que le président de la République déclare toujours faire de la lutte contre les inégalités salariales femmes/hommes une des priorités de son quinquennat.

L'ensemble des annonces que vous avez faites ont doublement de quoi satisfaire le MEDEF et d'ailleurs ses représentants n'ont pas caché leur joie. Une fois de plus, ce sont les grands groupes qui vont essentiellement bénéficier d'exonérations de cotisations sociales. À coup sûr, ces mesures serviront de surcroît pour les employeurs à justifier des modérations salariales lors des prochaines NAD alors qu'elles ne sont pas prélevées sur les richesses créées dans les entreprises.

Dix ans après la crise des « subprimes », la montée de la colère sociale démontre la nécessité de sortir de la logique libérale et de considérer enfin que le travail n'est pas un coût.

C'est pourquoi nous vous demandons de convoquer d'urgence une négociation sur le thème des salaires sous votre autorité. Cette négociation permettrait non seulement d'évoquer la revalorisation du SMIC mais également la nécessaire revalorisation des salaires dans le secteur public comme dans le privé, les pensions pour les retraités ainsi que les minimas sociaux.

Recevez, Monsieur le Premier Ministre, l'expression de mes salutations distinguées.