Chronique DLAJ : La société ORANGE condamnée pour délit de marchandage et travail dissimulé !

Communiqué UD Cgt 63, secteur Droit Liberté et Actions Juridiques, 22 janvier 2018, après le jugement des Prud’hommes de Clermont du 16 janvier 2018

Depuis plusieurs années, la précarité en entreprise se décline de bien des manières : CDD, contrat de chantier, intérim, sous-traitance, travailleur détaché, micro-entrepreneur… De nombreuses formules s’offrent au patronat pour ne pas embaucher, produire à moindre coût et déstructurer au passage l’essence-même du droit du travail.

En témoigne un contentieux opposant 4 salariés à l’entreprise ORANGE, une affaire en plusieurs actes déclinée comme suit :

Acte 1 : La société ORANGE conclut un contrat de prestation de service avec la société CROM et met à disposition 4 salariés pour effectuer divers travaux de bricolage dans les locaux de la société de télécommunications. En réalité, ces 4 salariés ont été recrutés par CROM mais en présence de cadres d’ORANGE. Ce sont ces mêmes cadres qui organisent leurs journées de travail avec celles des agents d’ORANGE ; ils utilisent les véhicules, les consommables et en partie l’outillage de l’opérateur. Les congés payés sont pris après validation de ce dernier. En outre, les inspecteurs relèvent également que les salariés CROM occupent des emplois à faible valeur ajoutée, n’apportent aucun savoir faire ou technicité particulière et que certains des travaux effectués sont exécutés par du personnel ORANGE. « Ils sont donc totalement intégrés aux équipe d’ORANGE ».

Acte 2 : En 2015, le syndicat CGT multiplie les démarches pour faire reconnaître le lien de subordination entre ORANGE et ces quatre salariés. Face au mutisme d'Orange, l’inspecteur du travail est saisi. Il dresse un procès-verbal pour travail dissimulé par la dissimulation d’emploi salarié. Il ne retient pas le délit de marchandage.

Acte 3 : Fin 2015, ORANGE lance un nouvel appel d’offre par lequel elle n'envisage pas la poursuite de la relation avec la société CROM. Pour autant ni l'intégration des 4 salariés à Orange, ni leur transfert vers le nouveau prestataire n'est envisagé.

Début 2016 les 4 salariés soutenus par la CGT saisissent donc le Conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand en référé. Compte tenu des éléments, le 17 mai 2016 le Conseil condamne la société Orange au maintien d'une relation de travail avec ces 4 salariés dans l'attente du jugement sur le fond.

Mais la société ORANGE, usant d'une procédure peu courante, saisit la Première présidente de la Cour d’appel, et obtient la suspension de l’exécution provisoire du jugement prud’homal. Les 4 salariés perdent leur activité et leur emploi.

La Chambre sociale statuera par la suite à l’incompétence du référé pour trancher cette question. Une interprétation fort douteuse au regard des enjeux et de la jurisprudence en la matière.

Acte 4 : En mai 2016, le juge du fond est alors saisi. Le défenseur syndical soutient que tous les critères du contrat de travail sont réunis entre les salariés et la société ORANGE. Il conclut principalement à sa condamnation au titre des infractions pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié et délit de marchandage. À titre subsidiaire, il demande la condamnation de la société CROM pour licenciement abusif. Les conseillers prud’hommes lui donnent raison et condamne Orange le 16 janvier 2018 à indemniser les salariés des préjudices subis au titre des violations de la loi mises en évidence.

Actes à venir : L'entreprise Orange qui aurait pu (aurait dû) régler ce différend dés 2015 en intégrant les 4 salariés à ses effectifs, décidera sûrement de faire à nouveau trainer la procédure en faisant appel, c'est son droit.

Mais la procédure pénale, elle, est toujours en cours d’instruction suite au procès verbal dressé par l’inspection du travail. Les salariés attendent la convocation d’ORANGE devant le Tribunal correctionnel et avec la CGT, ils se sont portés partie civile.

À suivre donc, mais tout est en place pour une forte condamnation d’ORANGE !