Lettre de Philippe Martinez au Premier Ministre

Montreuil, le 12 septembre 2018

Monsieur le Premier Ministre,

Vous avez bien voulu nous transmettre par courrier le programme de travail du gouvernement pour les mois à venir, qualifié de rénovation du modèle social. Cette appellation pourrait laisser à penser que ce programme aurait été co-élaboré à l’issue des réunions bilatérales que vous avez organisées début septembre. Nous savons bien que cela ne correspond en rien à la réalité.

Les propos du président de la République en juillet dernier laissaient espérer une volonté d’écoute plus grande et une meilleure prise en compte des propositions et suggestions des organisations syndicales. Il avait affiché sa volonté de laisser plus de place à la négociation collective entre syndicats de salariés et d’employeurs, reconnaissant pour une part, des erreurs sur l’année écoulée.

Pourtant, force est de constater que rien n’a changé en cette rentrée en matière de « méthode » du gouvernement. En effet, comme la délégation de la CGT a pu vous le rappeler lors de notre dernière entrevue, vous nous avez convoqués en catastrophe à Matignon quelques jours après avoir révélé au Journal du Dimanche le contenu de vos propositions en matière sociale pour les mois à venir.

À l’image de ce qu’il s’est fait l’an dernier, vous nous proposez une nouvelle séquence de réunions de concertations sur le régime d’assurance chômage afin d’établir un document de cadrage de la négociation de la future convention.

Nous refusons de jouer les faire-valoir ou les alibis pour la communication du gouvernement. Nous ne participerons donc pas aux réunions au Ministère du Travail. Nous entendons bien par contre, apporter notre expérience et nos propositions dans la future négociation avec le patronat en toute indépendance et non contraint par un cadre gouvernemental.

Nous tenons à vous préciser que pour chacun des points évoqués dans votre programme, nous jugerons de la pertinence de nos lieux d’intervention et de ce qui est du ressort de la négociation collective.

Je profite de ce courrier pour vous préciser qu’outre le fait d’être stupéfaits de votre interprétation de l’augmentation des arrêts maladies, nous sommes inquiets de la culpabilisation de ceux qui souffrent à cause du travail. C’est au mal-travail qu’il faut s’attaquer d’urgence, tout en veillant à la prévention et à la réparation de l’ensemble des maladies professionnelles.

Enfin, nous constatons que vous n’avez retenu dans votre programme gouvernemental aucun des sujets abordés par la CGT  lors de notre réunion du 29 août. Je pense notamment aux thèmes concernant l’augmentation des salaires, des pensions et des minimas sociaux qui constituent aujourd’hui une des causes majeures de l’augmentation de la pauvreté dans notre pays. Faut-il rappeler que deux millions de travailleurs et travailleuses et 7,6% des retraités de notre pays vivent sous le seuil de pauvreté. Faut-il rappeler que dans les deux cas, ce sont les femmes qui sont très majoritairement concernées car victimes d’inégalités salariales par rapport aux hommes ou de précarité subie.

Vous le constatez, nous abordons cette rentrée avec un esprit d’ouverture et de progrès, avec de nombreuses propositions, attachés à la démocratie sociale dans l’intérêt du monde du travail dans toute sa diversité et nous n’aurons de cesse d’œuvrer en ce sens.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, mes salutations distinguées.

Philippe MARTINEZ Secrétaire général de la CGT